La tradition potière Ordizanaise

Source principale : article de Nathalie Rouquerol, directrice du musée-forum de l’Aurignacien et membre associée du CNRS TRACES Toulouse, paru dans Midi-Pyrénées patrimoine, automne 2010, n°23

 

    La plus ancienne mention de production potière connue à Ordizan remonte à 1660. La plupart des chercheurs font état d’une production grossière (même si il est parfois reconnu un résultat d’assez bonne qualité eu égard à la rusticité du procédé) de coquelles, cruches, pots-marmites à soupe, écuelles, couvercles, plats à tout faire et mangeoires que les habitants du village allaient vendre “sur les marchés des villes circonvoisines” (c.f. Roland Coquerel). La dernière cuisson de poteries à Ordizan aurait eu lieu en 1890.

    Pour fabriquer des poteries, il fallait de l’argile. L’extraction se faisait à Goutaulère, lieu-dit situé à l’écart du village en contrebas de la colline des Artigaux, en direction de la commune voisine d’Orignac. On notera que le toponyme Goutaulère figure sur le cadastre depuis 1832. Auparavant, le lieu était référencé sous le terme Gatoullère.

    L’argile ocre de Goutaulère était réputée très pure et très “plastique”, donc se prêtant à merveille au travail du potier. Roche sédimentaire provenant le plus souvent de la décomposition de feldspaths, riche en silice, l’argile ocre était donc le matériau de base de cette petite industrie.

    Au travail d’extraction et de charroi succédait une courte phase de “pourrissage” à l’air libre (opération qui consistait à stocker l’argile pendant une durée donnée afin d’améliorer sa plasticité). A l’argile était ensuite mélangé du sable pour diminuer les risques de rupture notamment en fin de cuisson.  L’activité de façonnage, manuelle, se faisait pour compléter le travail des labours, du fanage et des moissons, et parfois aux dépens de celui-ci. En 1783, plus de la moitié des habitants d’Ordizan s’adonnaient à la fabrication de pots et de vaisselle de terre.  

    La cuisson avait lieu en plein air avec peu de moyens. Après avoir été séchées à l’air et au soleil, les poteries étaient disposées sur un socle comprenant un exhaussement en argile de 10 à 15 cm (ou à défaut un lit de cailloux) sur lequel on avait disposé de la paille et des fagots de branchages très secs. D’autres rangs de poteries, comportant des objets plus menus, pouvaient être disposés au-dessus, entrecoupés de lits de fougères, jusqu’à former un cône mesurant deux mètres à la base. On mettait alors le feu à la paille et l’on revêtait le cône d’un mélange de plaques de terre engazonnées et de cendre ou de braise, puis on laissait refroidir sous la cendre. Cependant, les ratés étaient nombreux et pour conjurer le sort, les membres des familles concernées s’agenouillaient en cercle autour du foyer et se mettaient à prier. Lorsqu’un craquement annonçait la rupture d’une pièce, on proférait “soule assieu !” (qu’elle soit la seule !) et les prières redoublaient de ferveur.

     Notons qu’au XIXe siècle le bois était rare ; c’est la raison pour laquelle il était peu utilisé pour la cuisson. Le bois faisait d’ailleurs l’objet de vols récurrents et de coupes frauduleuses lors d’expéditions nocturnes, alimentant des différents et des bagarres notamment avec les habitants du village voisin d’Antist (cf. Pierre-Toussaint de Laboulinière).